Maintenant que je suis traducteur de profession, j’étais vraiment curieux de voir le thriller de Régis Roinsard. Cependant, vu que je viens juste de démarrer, ce sera dur pour moi de vous dire si le film est fidèle à la réalité du métier. En discutant avec une collègue traductrice avec qui je suis allé voir Les Traducteurs au cinéma, on s’est reconnus dans certains points et traits de caractère des personnages (cf. la traductrice qui surélève son PC portable avec des dictionnaires, pour adopter une position de travail confortable). Malgré tout, je doute que certains des événements ayant lieu pendant le film puissent avoir lieu dans la réalité (même si c’est une fiction, on est d’accord).
D’abord, je tiens à souligner la performance des acteurs. Tous interprètent à merveille leur rôle, bien que chacun incarne un stéréotype bien défini, voire exagéré (comme celui de la Suédoise, campée par Sidse Babett Knudsen). Deux acteurs se détachent cependant du lot : Lambert Wilson, qui joue l’enfoiré de première par excellence (plus détestable que lui, il n’y a pas) ; Alex Lawther, qui est clairement l’une des révélations de 2020 sur grand écran. Ces deux-là sont juste impeccables et se lancent dans un bras de fer à vous glacer le sang. Alors, certes, le personnage de Lambert Wilson est très manichéen dans son écriture et son évolution (il aime tellement l’argent et le pouvoir qu’il ne recule absolument devant rien, même pour rabaisser les autres), mais on ne peut pas lui enlever son talent.
Ensuite, le scénario est très bien écrit et construit. Néanmoins, on découvre très vite qui fait chanter Wilson à l’écran. Pour ma part, j’ai trouvé que le réalisateur avait opté pour la facilité, car le coupable était quand même assez évident à deviner. Sauf qu’il s’agit finalement du premier twist scénaristique qu’il nous a réservé. Car quand on commence à comprendre comment le maître chanteur a mis sa machination en place et, surtout, pourquoi il l’a fait, on s’y attend beaucoup moins. D’un côté, je pense que Régis Roinsard est allé à fond dans le surréalisme (parce que, mine de rien, la personne s’est montrée balèze pour faire ce qu’elle a fait). Ça m’a d’ailleurs rappelé le film d’enquête Knives Out, qui avait un peu le même scénario : on savait très vite ce qui s’était passé, mais le réalisateur n’avait pas encore dévoilé toutes ses cartes.
Enfin, la réflexion autour du métier des traducteurs (qui sont — malheureusement — souvent des personnes de l’ombre) est intéressante et bien amenée. Mais je vous avoue ne pas avoir compris le passage de la piscine. J’ai aussi aimé le message final du film qui défend, en quelque sorte, l’art et la traduction dans son ensemble (doit-on se laisser appâter par le gain ou suivre ses propres convictions ?). De plus, c’est un beau doigt d’honneur à Dan Brown (cf. le scandale Inferno et les conditions désastreuses dans lesquelles les traducteurs avaient planché sur la traduction du roman du célèbre écrivain).
Pour conclure, il en résulte que Les Traducteurs de Régis Roinsard est un thriller très bien ficelé et qui vous fait tenir en haleine de la première à la dernière seconde. Mais le film enchaîne beaucoup les clichés également et ce n’est pas toujours pour le mieux.