« Et si je recommençais tout à zéro ? » Voilà la question qui m’a taraudé l’esprit durant cet été, alors que je devais prendre une décision importante : rester ou partir vers de nouveaux horizons (encore) ? Non, je ne parle pas de Barcelone, puisque ce n’était qu’un interlude. Je parle plutôt de choisir entre le confort douloureux et la nouveauté libératrice.
Ces mots ne sont pas choisis pas hasard. Ils traduisent ainsi ce soulagement et cette fierté intérieurs, qui cohabitent en moi depuis quelques semaines maintenant. À vrai dire, j’avais tellement peur de regretter de partir pour les mauvaises raisons, de fuir par lâcheté. Mais finalement, est-ce moi le lâche dans cette histoire ? Parfois, je pense que oui ; parfois, je pense que non. La divergence et la culpabilité torturent encore mon cerveau :
« Jamais je n’aurais dû agir comme j’ai agi. »
« J’ai mérité ce qui m’arrivait, quelque part. »
« J’aimerais tellement leur dire ce que je pense… »
« Jamais je n’aurais pu m’épanouir là-bas. »
Ces phrases reviennent dans mon esprit, telles les paroles d’une chanson que je connaîtrais par cœur sans le vouloir (car je ne supporte pas de l’entendre). La colère continue de bouillir et menace d’exploser. Je constate malheureusement que, encore une fois, c’est la victime qu’on blâme et qui doit partir, pendant que ses bourreaux continuent de mener la danse. Ce sont les bourreaux qu’on met sur un piédestal et qu’on félicite pour être ce qu’ils sont. Ce sont eux qui blâment leur victime d’être ce qu’elle est, en cherchant à la faire culpabiliser. En continuant de la pointer du doigt, sans remettre en question leur propre attitude exécrable. Moi, en tant que victime, je souhaite à la fois réclamer justice et trouver la paix intérieure.
La vie est ironique, vous ne trouvez pas ? D’un côté, j’ai enfin tout ce que je désire professionnellement parlant (« Aide-toi et le ciel t’aidera ! », comme me répétait souvent mon père durant l’adolescence). De l’autre, je me suis amusé à abîmer la plupart de mes relations. Pendant longtemps, je me suis complu dans ce modèle qui opposait la peur à la confrontation. Puis, j’en ai eu marre de tout ça. J’ai eu envie d’autre chose et de renouveau. J’ai eu envie de sérénité.
Suis-je serein aujourd’hui ? Non. Comme je l’ai dit, la colère et la douleur sont toujours là. Le processus de deuil a été entamé, mais ne fait que commencer. Je m’exprime alors à travers les mots, souvent intimement. Je les écris, puis les déchire en mille morceaux et les jette à la poubelle. Je nomme ainsi symboliquement cette période douloureuse, l’accepte et la laisse derrière moi. Mais je n’oublie pas. Je n’oublierai jamais. Je ne veux pas oublier, et c’est bien ça le problème.
Voilà pourquoi je m’en suis allé pour découvrir un nouvel ailleurs. J’ai sans doute laissé derrière moi de nombreuses possibilités, dont je n’aurai sans doute jamais connaissance. L’année dernière m’a beaucoup apporté, m’a appris tant de choses sur moi-même. Or, elle m’a aussi fait beaucoup souffrir. Je ne me voyais donc plus vivre dans l’angoisse permanente d’être jugé et moqué. Il a été dur pour moi d’écouter mon instinct, de laisser ma raison le compléter (même si je croyais que la raison était dans l’autre camp). Car quitter un endroit auquel je me suis accoutumé (malgré tout) voulait dire changer de nouveau de cadre de vie. Un pari audacieux pour moi, celui qui ne supportait pas l’instabilité et l’inconnu il y a un an.
À présent, j’écris et rends publique cette douleur pudique. Je ne veux plus en avoir honte, comme j’ai eu honte de moi ces derniers mois. Non, je n’insulterai pas publiquement ces personnes. Elles ne méritent pas ma violence. Elles l’ont cherchée et l’ont tâtée, après m’avoir souillé sans honte ni retenue. Certes, leurs voix résonnent encore dans ma tête, tels des vautours qui tourneraient inlassablement autour d’une proie affaiblie par la méchanceté permanente. Les serpents finissent toujours par s’entretuer, cependant.
Je dois leur dire adieu. Un mot que je vais devoir intégrer dans mon vocabulaire et l’utiliser à bon escient, envers les mauvaises personnes. Tandis que je garderai les bonnes personnes autour de moi.
Pour ce qui est de ma nouvelle aventure, je l’écris actuellement et compte bien en faire un chapitre heureux.