
Après Transmania, je vous parle d’une nouvelle enquête écrite par Thomas Guénolé et parue en 2019. Cette sortie fait suite à l’éviction de l’auteur suite à des allégations d’harcèlement sexuel de la part d’une ancienne étudiante*. La raison, selon le politologue : les critiques qu’il a émises sur la direction autocratique de La France Insoumise, parti fondé et dirigé par Jean-Luc Mélenchon. Ça n’aurait pas plu à ce dernier, qui aurait alors « indirectement » demandé à ce que Thomas Guénolé soit exclu du parti politique en utilisant les allégations mentionnées plus haut à son encontre. (C’est ce que j’ai compris en tout cas et, honnêtement, je ne serais pas surpris que ce soit le cas.)
Avant de lire ce livre, je me doutais déjà que Jean-Luc Mélenchon agissait en dictateur au sein de LFI. (Ironique, quand on sait qu’il prône pour une démocratie plus libre en France dans son programme.) Mais La chute de la Maison Mélenchon m’a confirmé ce que je pensais de lui depuis quelque temps. Et puis, d’anciens militants du parti comme Tatiana Ventôse et François Ruffin ont livré le même témoignage que Guénolé à ce sujet (à peu de choses près). Maintenant, chacun est libre d’y croire ou non.
Pour ma part, j’ai trouvé cette enquête intéressante et pertinente. En effet, Thomas Guénolé revient notamment sur le parcours de Mélenchon et ce qui l’a conduit à créer LFI. Il analyse également ce qui l’a mené à sa perte, selon lui (mais l’ouvrage étant sorti en 2019, son analyse s’en retrouve caduque, vu que la FI n’a jamais eu un électorat aussi important qu’à ce jour).
De plus, il revient sur le cas Sophia Chikirou, via son détournement de fonds lors de la campagne présidentielle 2017 et le fiasco qu’ont été les débuts de Le Média (jusqu’à l’éviction de Chikirou du webzine qu’elle avait elle-même fondé). En outre, il relate la vague de départs massive avant et après le sien, encore une fois pour la même raison que lui. Et tout ça, c’est raconté de manière factuelle (avec sources à l’appui), ce qui est appréciable.
Au niveau de la forme, ce bouquin fait 200 et quelques pages, et se divise en sept chapitres. L’auteur nous offre également à la fin un « épilogue », où il nous livre ce que devrait être la Gauche selon lui (une vision intéressante, par ailleurs, qui m’a donné envie de me plonger davantage dans sa bibliographie). La chute de la Maison Mélenchon se lit ainsi rapidement, bien que les chapitres fassent entre 30 et 40 pages pour certains.
Et si la plupart s’avèrent d’emblée compréhensibles — les thématiques abordées sont simples à comprendre —, il y en a qui ne le sont pas forcément. Je pense notamment au chapitre sur le détournement d’argent en 2017 : Thomas Guénolé y explique, à sa manière, tout ce qui entoure ce scandale financier. Pourquoi dis-je « à sa manière » ? Car le style de Guénolé est parfois nébuleux, dans le sens où il ne se met pas toujours à la portée de l’ensemble de son lectorat. Donc, pour certains passages, il faut être déjà calé en politique. Pour moi, c’est le gros point noir de ce livre.
Pour conclure, La chute de la Maison Mélenchon de Thomas Guénolé est un livre complet et instructif sur le sujet abordé. Personnellement, je vous le recommande.
* Aparté sur les allégations de harcèlement sexuel
J’aimerais revenir en détail sur cette affaire et les raisons qui, selon moi, traduisent bien le fameux « deux poids deux mesures » de La France Insoumise.
Si vous voulez en savoir plus à ce sujet, je vous conseille de lire l’enquête de Mediapart. Les allégations de l’ancienne étudiante de Thomas Guénolé mentionnées dans cet article sont les mêmes que celles évoquées dans le livre de ce dernier. Maintenant, est-ce qu’il s’est passé plus que ce qui a été dit ? On ne le saura jamais.
Me concernant, après avoir pris connaissance des allégations en question, ça ne relève pas du harcèlement sexuel. Même si le compliment suivant de Guénolé à son ex-étudiante est ambigu : « Le rouge vous va très bien. » Cependant, lorsqu’on remet cette phrase dans son contexte, on comprend que le politologue entendait par « rouge » le fait qu’il avait su la convertir à ses idées politiques (la jeune femme étant écologiste à la base, donc « verte »). Maintenant, je conçois qu’elle se soit sentie mal à l’aise et qu’elle ait mal vécu la situation (les compliments sur sa voix ont pu être intimidants pour elle, par exemple). Mais ça ne signifie pas pour autant que ce qu’elle a subi s’apparentait à du harcèlement sexuel de la part de son ancien enseignant. Pour moi, le politologue est innocent.
Pour vous résumer brièvement la suite de l’affaire, Thomas Guénolé a porté plainte contre la députée Danielle Simonnet pour diffamation non publique. En effet, cette dernière était l’autrice d’un rapport concernant les allégations de harcèlement sexuel envers l’ancien membre de LFI. Et si les preuves de ces allégations ont été rejetées durant le procès (cf. le droit de réponse de Guénolé en fin d’article), Simonnet a été relaxée sur le compte de la bonne foi. Autrement dit, la députée insoumise était sincère dans sa démarche et n’avait pas pour mauvais dessein de faire tomber son ancien collègue. Thomas Guénolé a fait appel suite à cette décision, et le tribunal a de nouveau relaxé Danielle Simonnet pour le même motif.
(Au passage, Simonnet n’a pas été réinvestie en tant que députée par La France Insoumise — par Jean-Luc Mélenchon — lors des législatives de 2024. Elle a d’ailleurs témoigné devant les caméras de Complément d’enquête le 24 avril dernier concernant son expérience de membre insoumise.)
Maintenant, venons-en à ce que je considère comme étant problématique. Thomas Guénolé a donc été exclu du parti politique pour harcèlement sexuel envers son ex-étudiante (c’est la raison officielle avancée par LFI, en tout cas). Le cas échéant, il faut appliquer cette mesure à toutes les personnes faisant preuve de comportements inappropriés envers d’autres au sein du mouvement de Gauche. Sauf que tout le monde chez LFI n’est pas logé à la même enseigne, on dirait. Souvenez-vous d’Adrien Quatennens : son ex-compagne avait porté plainte contre lui pour violences conjugales. Il aurait dû donc être exclu illico presto de La France Insoumise.
(Je tiens à le rappeler : LFI se définit comme un mouvement progressiste, donc en faveur des individus opprimés par la société, y compris les femmes victimes de violences sexuelles et sexiste.)
Mais Jean-Luc Mélenchon a décidé de le soutenir bec et ongles, quitte à le victimiser. Et ce, malgré les réactions scandalisées (à raison) de députés de la Gauche (dont Sandrine Rousseau). Il faut dire aussi que Quatennens était le bras droit de Mélenchon et qu’il aurait pu lui succéder lors des Présidentielles de 2027. Et il fallait le reconnaître : il avait le talent et le charisme pour (j’aurais même été prêt à voter pour lui, c’est dire). Mais l’avenir en a décidé autrement.
Personnellement, je trouve ça gonflé et hypocrite de la part du leader des Insoumis de faire évincer Thomas Guénolé et pas Adrien Quatennens. Sachant que si un député issu d’un parti adverse (au hasard, le RN) avait été condamné pour violences sexistes et/ou sexuelles, il ne se serait pas gêné pour crier son indignation en long, en large et en travers.
(Le pire étant que, dans le cas où Thomas Guénolé aurait été coupable de harcèlement sexuel et qu’il n’aurait émis aucune critique sur la direction de La France Insoumise, gageons qu’il n’y aurait jamais eu cette enquête interne sur lui. Personnellement, j’en suis persuadé. D’ailleurs, l’ancienne militante de LFI, Hélène Franco, a déclaré au journal Le Monde : « Il faut être francs, ce comité** est devenu au fil du temps un rasoir à deux lames. La première sert à dire à l’extérieur que l’on s’occupe du sujet et évite que l’on dépose plainte. La seconde, c’est pour dégager les emmerdeurs, ceux qui veulent des places ou contestent le fonctionnement interne. C’est le cas Guénolé. » Ses propos confirment donc mon impression.)
** Il s’agit du Comité de suivi contre les Violences Sexistes et Sexuelles (CVSS) qui, comme son nom l’indique, accompagne les victimes de violences sexistes et sexuelles au sein de La France Insoumise.
Vous l’aurez compris : mon estime pour Jean-Luc Mélenchon s’en est retrouvée encore plus diminuée. Parce que c’est bien de vouloir jouer les justiciers sociaux. Mais c’en est une autre de le faire en toute circonstance. N’est-ce pas ?